Critique de
Didier Ayres

 

Des nouvelles du Minotaure ?

 

Catherine Andrieu, éd. Rafael de Surtis 2019, 20€

Le poème comme salut

Je dis, à propos du recueil que publie Catherine Andrieu en 2019 chez Rafael de Surtis, que le poème peut être salut. Je le dis doublement dans la mesure où il se constitue ici par une réparation physique autant que spirituelle. Physique, par exemple au travers des métaphores des oiseaux, chiens, chats, oiseaux, chevaux, tout un bestiaire qui aboutit et dessine l’espace d’une pulsion, et particulièrement d’une pulsion de mort, laquelle est le miroir qui renvoie à la pulsion de vie, comme on dirait que la lumière n’existe que grâce à l’ombre. Ce que je retiens c’est qu’il y a bataille entre des sentiments antagonistes, où dominent l’inquiétude, le corps et la langue qui lui sont disponibles.

Et puis, le salut est à prendre aussi au terme spirituel comme en une sorte de prière, à un Christ de sang et d’or, un Christ du reste sujet à la phallophanie. Cette perspective de corporisation des manifestations de la divinité, occupe l’esprit et la chair, l’espace et le temps, le plaisir et la douleur et reprend la seule vraie pente de l’être humain : le ballotement entre des forces, deux personnes, l’une voulue, l’autre inconsciente. Cela se fait au nom de l’amour et au nom du langage. J’ai parlé de spiritualité occidentale, mais les textes évoquent aussi des Minotaures, Orphée, Shiva, Kali, Durga et offrent un horizon de figures complexes et religieuses, ou sinon, mythologiques comme les sirènes, licorne… tout fait feu. Tout est combustion intérieure. Tout flambe dans l’imaginaire de Catherine Andrieu.

Je suis dans la forêt auréolée d’or scintillant car à présent je ne me nourris plus que de lumière et de toi. Tu dois me retrouver, moi, minotaure labyrinthique et écorné, mais tu l’aimes, elle.

Mais, comme pour toute littérature, il faut une interlocution, une ouverture vers le lecteur, lequel est rendu capable dès lors de s’adresser à la coupure intérieure de l’écrivaine, à son imagination, son imaginaire, où toi et moi s’abandonnent l’un à l’autre, chacun repérant et aliénant sa propre douleur. Le livre plongeant dans la psyché humaine, dans le langage et dans l’inconscient du langage, met en valeur la personnalité de la poétesse.

La Maison est dans la forêt.

Cette maison, nous l’avons créée de part en part dans nos esprits malades. Elle n’a ni porte ni fenêtres, juste de scintillants lustres baroques dégoulinant en pluies de rosée… Elle est envahie par les chats sauvages qui ondulent comme panthères. J’aime les chats sauvages. Et toi tu tends ton cou pour boire à même la source.

Oui nous sommes, je crois, dans une confession, qui naturellement s’allie aux confessions en général de toute œuvre littéraire. Ainsi, ce sont des zones profondes que nous côtoyons, et parfois on souffre comme l’autrice de la description d’une forme de lypémanie, folie créatrice et ouverte, nourriture symbolique. Rêve ? Réalité ? Il ne nous reste heureusement que des textes concrets, qui cheminent avec des choses concrètes, pour finir, une douleur poétique qui suivrait le chemin du salut, et compris dans sa lutte, dans sa schize. Donc, prenons pour nous des bouffées et des visions, et suivons le déroulement du livre, qui, dans sa deuxième partie devient plus serein, plus apaisé, comme si en la quête de rédemption d’elle-même, la poétesse nous signalait qu’elle subsume ses frayeurs et son angoisse.

DIDIER AYRES 

Didier Ayres sur le blog littéraire Le Capital des Mots, le 10 Novembre 2019 :  http://www.le-capital-des-mots.fr/2019/11/le-capital-des-mots-didier-ayres.html