Critique de
Michel Host

 

À Fleur de peau (Vincent Rougier éd. revue-ficelle) par Michel Host

 

Article paru sur le site Recours au Poème

Catherine Andrieu, née est passée du Sud à Paris, où elle écrit et peint : « Ut pictura poesis » ! Elle a publié de nombreux recueils aux éditions du Petit Pavé, de Surtis, ainsi qu’un essai sur Spinoza aux éditions de L’Harmattan.

 

Son recueil, À Fleur de peau, comme le laisse augurer l’énigmatique vignette-illustration de Vincent Rougier, nous propose des visions en avalanche, un maelström, tout notre monde encombré d’images et de souvenirs ramenés à un présent parfois léger, parfois pesant, car « rien ne meurt »., ce sont d’incessants frissons, ceux des sentiments partagés, connaissables, reconnaissables. Nous marchons au pas de chaque poème : ce sont les divinités ou personnages des légendes antiques, Athéna et son casque pour l’aurore, Eurydice pour l’effroi d’une bougie qui va s’éteindre… Parmi les animaux (la nature, sphère première) prévaut ici le petit chat Gabby, « mon Gabby… petit ange » : « Le Monsieur t’a fait une piqûre et tu t’envoles / Au Paradis des petits chats. »

L’expérience (je l’ai plusieurs fois vécue) n’est que douleur et regrets, traumatisme récurrent. Nous ne sommes ni omnipotents ni omniprésents ! La mort étend son empire. Il est une « petite sœur » dont la destinée semble plus que fragile, avec un insuffisant contrepoids notre impuissance : « Tu cherches en vain la preuve / Que quelque chose est vivant. » Le cœur de l’âme est étreint. Imaginer l’éléphant, même « gracieux », « des femmes à tiroirs… des montres molles…» n’est qu’un pis-aller. Dali n’y pourra offrir qu’un répit d’un instant. Viennent les visions de sang… « Maman dévorée » par « les dragons d’eau ». Où sommes-nous désormais sinon, dans l’effroyable capharnaüm, gisant parmi nos restes annoncés, presque vestiges : « Je ne suis pas belle ma jeunesse se fane / Mais j’ai le secret du cœur et de l’Univers » Dans les derniers poèmes, Catherine Andrieu évoque des « délires hallucinés », sans doute ceux de « la Coke », et conséquemment la possibilité d’« atteindre les comètes ». Un écrivain succède à ces cauchemars et nostalgies : « homme sans visage »… vu « comme une limace sur une rose », et à qui l’on peut dire encore : « Quelque part, pour un écrivain tu n’es pas si mal. / Il y a pire… »  Comme à chaque fois, dirai-je !

Fait suite à cette salve de douleurs une passionnante « Interview inédite » de Catherine Andrieu. Elle y revient sur son trajet, sur ce qu’elle y lit elle-même : « … j’écris, pour m’ouvrir les veines sur le papier seulement. Et pour être Dieu aussi. » Elle l’est et l’avoue. − Comment échapper à cette nécessité ? − Elle reste néanmoins « un poète, mais un poète rock and roll. » Cette interview donne fort à penser à tout humain qui n’a pas trouvé à se satisfaire dans la fréquentation des supermarchés, des boutiques de fringues, des sports d’hiver… et qui cherche les échappatoires au néant : « L’écriture est ce qui me sauve de la folie en laissant une “trace” de mes allers-retours d’un monde à l’autre… » Comme l’on comprend ! Car c’est bien la seule solution.

Michel Host