Postface de
Narcisse, autoportrait

Nicolas Jaen, Rafael de Surtis, 2024

Ce poème en prose de Nicolas Jaen explore les thèmes de la vanité, de la transformation et de l’éphémérité de la vie à travers le mythe de Narcisse.


La nuit tombe, voile d’obscurité sur l’âme, Le moi se perd, s’abandonne, fuit sans bruit. Dans la forêt des jours, l’épée de l’existence Tranche le fil du temps, sans espoir de répit.


Le souvenir de l’eau, entre battements de cœur, Cherche le mot perdu, la clé de l’énigme. Prophète de son propre mystère, intouchable, Il erre, solitaire, au-delà des abîmes.


De la beauté à la folie, un pas si ténu, Hypnos berce de coquelicots l’esprit. Dans les champs de narcisses, l’écho d’une vieille dame, Répétition lancinante d’un amour infini.


Le texte se dévoile, conte d’orgueil et de chute, Où l’admiration de soi mène à la dérive. Dans la quête d’amour, le reflet se brise, Et l’homme, comme le chien, dans le vertige survit.


L’ivoire et la rose, fuyant sous les doigts, Ne sont que mirages dans la quête de soi. Fascination, adoration, le dédain pour guide, Le héros s’égare, dans sa propre forêt il s’oublie.


Ainsi, le poète nous livre une critique, Sur l’amour de soi, qui à la folie invite. Dans la réflexion de l’eau, un avertissement, Que trop s’adorer, c’est au vide s’unir.


Dans ce texte, l’âme de Narcisse se dévoile dans une confession poignante, où la métamorphose est à la fois une malédiction et une libération. La lame qui a transpercé son cœur n’est autre que la prise de conscience de sa propre vanité, un éveil douloureux qui le fige en fleur, symbole de beauté éphémère.


Narcisse, prisonnier de son reflet, s’est noyé dans l’abîme de son « moi ». Sa présence, autrefois omniprésente, envahissante, se dissout dans l’ombre de la mort, là où les âmes errantes prolifèrent. Il reconnaît que son absence rend le monde plus beau, une révélation qui souligne l’ironie de son existence : il était une ombre parmi les vivants, mais c’est dans la mort qu’il trouve sa véritable lumière.


La vie de Narcisse, réduite à une saison, reflète la nature cyclique de la vie et de la mort. Il vit et lutte dans une dualité constante, « étant, et n’étant pas », une existence suspendue entre deux mondes. C’est une vie marquée par l’absence de consolation, où même la caresse des doigts sur l’eau ne peut saisir la fugacité des narcisses.


Ces fleurs, échappant à la prise, ne peuvent être appréhendées que par l’intuition et la bonté enfantines—des qualités pures et innocentes qui transcendent la superficialité de Narcisse. Elles laissent derrière elles une note dans l’air, une musique, un parfum; des traces intangibles de beauté qui perdurent au-delà de la forme physique.

Catherine Andrieu