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Poétesse de l'effacement
Ecrire permet de parler. C’est aussi un esto memor et un “fragile
bégaiement de la beauté” et d’une certaine musique lorsqu’il ne reste que peu de choses avant de s’estomper.
C’est pourquoi tout poète digne de ce nom est un illusionniste.
Catherine Andrieu le prouve, moins pour tromper les autres que le temps
qui passe.
C’est aussi une manière de faire le point avant que la nuit tombe et avec elle le dernier mot.
Existe là une sensation étrange qui prolonge la quête d’un Beckett.
Catherine Andrieu devient comme lui un poète de l’effacement. Moins dure que celui dont elle devient une héritière putative, elle ménage — pour finir encore — des mots plus doux que les
siens.
Et c’est ce qui fait tout le prix d’un tel livre rare.
Jean-Paul Gavard-Perret
Catherine Andrieu, Piano sur l’eau, Rafael de Surtis, Cordes, avril 2022, 44 p. — 15,00 €.
http://www.lelitteraire.com/?p=82673
.Celle qui se dit “mystificatrice” donne la pleine puissance de son langage et de son imaginaire. Elle reste pourtant à mille lieues du factice. La force
métaphorique devient chamanique en sortant du plus profond de son être. Si bien que le poésie aussi intime que cosmique devient un rite sidéral et sidérant, personnel et initiatique
comme l’est la danse pour les derviches tourneurs.
Entre réel et irréel, entre les diverses personnes du singulier, entre réflexion et envol, s’inscrit un lent dérèglement des sens. Il transforme la poétesse
et celui ou celle à qui elle s’adresse en “un chaos gouverné par un rythme”.
Et là où Piano sur l’eau jouxte un expérience biographique intime, Des nouvelles du Minotaure ? inscrit un registre plus orphique.
Cet ensemble est fulgurant là où la femme prend au besoin tous les rôles — vierge ou catin — mais reste parfaite dans l’innocence d’avoir si peu d’histoires dans
le geste, même si elle peut retourner cette attitude en un magistral contre-exemple.
La réunion de ces textes de la véritable femme surréaliste de notre temps devient rade, radeau, rectangle mouvant, carré de sécurité, aire de
perdition.
Nous pouvons y déchiffrer un vide vertical : celui du vertige qui en est le contenu.
Jean-Paul Gavard-Perret
https://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/63896
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