Critique de
Claire Garnier-Tardieu
Des nouvelles de Léda
Le dernier ouvrage de Catherine Andrieu, ce portrait de l’artiste à son miroir déformant, « n’est pas un paysage à la Chateaubriand/Fait de mélancoliques vagues qui
viennent s’échouer/Sur la grève et la solitude du penseur, mais un Cosmos/Rugissant, un été peuplé de forces et de bruits ». Alors, s’agit-il du « portrait fantasmagorique d’Anora Borra, peintre
aux œuvres monumentales, profondes, érotiques ? » Du récit des « vies antérieures et intérieures de Catherine Andrieu » qui confie dans un entretien : « Le sang du poète doit couler dans ses
ruisseaux, voilà pourquoi j’écris, pour m’ouvrir les veines sur le papier seulement » ? De poésie lyrique au son du « Cliquetis des mâts » ? D’un recueil de souvenirs « d’amours et de jeux
d’ombres ? Ne serait-ce pas plutôt un « refuge », celui des mots qui tiennent le réel à distance, un « journal de l’oubli » « parce que j’ai peint mes vitres en noir » ? Le recueil Des nouvelles
de Léda ? est tout cela à la fois. C’est brillant, c’est dérangeant, c’est téléportant. On ne sort pas indemne de la poésie de Catherine Andrieu qui dédie son premier poème à Hadès, le dieu des
Enfers, mais pourrait aussi bien le dédier à Éros, tout aussi infernal, elle qui pleure ses amours refusés, ses amis suicidés, le ravissement de Lol V. Stein, à jamais endeuillée de l’amour
absolu pour son chat, Paname, que petite Lune ne peut venir remplacer. Et c’est une Léda furieuse qui se dessine à travers les pages « pendant des jours et des lunes », jamais méchante, innocente
presque, comme la petite fille « à qui l’on a fait du mal » et qui crève d’une « overdose de beauté ». On aurait envie d’embrasser le papier pour voir comme ça fait mal.
Claire Garnier-Tardieu, in Poésie / Première.
Catherine Andrieu, Des Nouvelles de Léda ?, Rafaël de Surtis, 2024, 274 p., 25€.