Critique de
Jacques Cauda

 

Le Royaume sans murailles 

Poèmes, Rafael de Surtis, 2025

Un chat se promène dans Le Royaume sans murailles

 

Catherine Andrieu est alchimiste, elle fait muter le mot en intensité figurale, pour reprendre Deleuze, en intensité animale, le plus souvent féline. « Tout animal est dans sa phrase comme de l’eau à l’intérieur de l’eau. » Elle a un chat dans la tête (parfois un tigre, une panthère, un jaguar) qui traverse sa page, soulève sa jupe. Dans sa cervelle se promène… L’air passe, dit-elle alors en citant Michaux. Je suis née trouée. Lux, luxe, luxure. Une lampe à la bouche, elle éclaire son mot vers un point d’incandescence félin en proie au désir.  Son souffle acquiert dans cette jouissance une organisation (constitutionem, dirait Spinoza) nouvelle qui la détermine autrement au fil d’images de plus en plus luxueuses et luxurieuses. Alors je m’allonge dans l’échancrure du jour (…) et j’apprends sans plus chercher à devenir passage, p.16.

Au Moyen Age, lors de cérémonies secrètes (lampes à la main, formules et litanies au bec, etc.), un rugissement ouvrait l’orgie… la gorge offerte au cri du monde, dans Le Royaume sans murailles, les iris noirs comme des pupilles dilatées (…) le visage près des flammes (écrit-elle dans Nouvelles lunes) sorcière promise au bûcher. En attendant, les enfants nés de l’orgie médiévale étaient brûlés à leur huitième jour, et leurs cendres terre de miracles et de prodiges servaient de viatique dans une langue plus ancienne que le feu à ceux qui étaient ce que l’on devient quand on ne veut plus rien être.

Catherine sorcière livrée aux flammes ? Pourquoi non ? Je n’oublie pas que l’un des chefs d’accusation qui ont conduit les chevaliers du Temple au bûcher fut d’avoir adoré un chat en lieu et place du Christ ! Et quand la nuit s’est abattue comme une panthère, écrit-elle p. 26 en miroir de la lonza chère à Dante, cette panthère à l’haleine parfumée, symbole de luxure ! Bête agile au flanc étroit, agile comme la langue qui anime Catherine dessinant dans un souffle un nouveau bestiaire digne de figurer aux côtés des Etymologiae d’Isidore de Séville qui, souvenons-nous, fut au VIIè siècle le modèle d’un nouvel univers placé sous le signe de l’animalité traversée par un réseau de correspondances symboliques comme des cathédrales de fougères (…) où le jaguar de lumière s’allonge entre deux racines, p.27. Ensuite, les chats couronnent leur front de givre (…) et ce, dans l’éclair d’un matin sans fin.

Ainsi va le monde de Catherine Andrieu la fé(e)line !

 

Dans la revue lelitteraire.com