Critique de
Laurence Biava
Fantasmagories poétiques
Nouvelles lunes/chaosmose, publié aux Editions du Petit Pavé, 2014
Article de Laurence Biava
« Catherine Andrieu appartient à la race nervalienne des poètes grâce auxquels « le songe s’épanche dans la vie réelle » - irrépressiblement, par coulées, par
à-coups ».
C’est une poésie onirique, envoutante et érotique, nourrie des mythes anciens et de magie noire. C’est une poésie opaque qui évolue dans un univers fait de
fantasmagories : l’identité révélée y est double, imprécise, les choses et les êtres qui y sont décrits appartiennent au monde irréel, fluctuant. On s’y perd avec bonheur.
Il y a deux récits poétiques : Chaosmose, raconte le personnage de Zaha qui porte en elle le chaos. Le chaos que mentionnait Nietzsche dans « Ainsi parlait
Zarathoustra». Zaha est une femme sans visage, elle est un peu étrange, voue un culte aux créatures du diable, elle meurt dans les eaux d’une rivière et sa mort préfigure celle du
Saint-Homme. Le personnage de Zaha finit par totalement se dédoubler, comme dans une transe chamanique, suivant les lois du rêve et de l’inconscient, rompant avec le principe de réalité,
principe cher à l’auteur. L’eau insaisissable et fuyante est également le sujet principal de cette première partie, car son évocation prolonge le sentiment hypnotique qui se dégage de la prose.
Nouvelles lunes est un recueil de poèmes oraculaires et médiumniques. Il est divisé en deux parties : La légende et D’ailleurs et d’aujourd’hui. Il présente les événements de la légende du roi
Arthur dans un ordre bien précis. De l’illusion d’optique, et du style elliptique des poèmes se dégagent le sentiment d’être à la frontière de deux mondes : le réel et le fantasque, où l’homme,
toujours, se dissout, mais où les forces de la nature le dominent. Ainsi cette lune, ce croissant de lune qui deviennent rouges, zébrant le ciel d’encre.
Le vent avait dissipé les brumes
Vers l’Est, elle vit le ciel s’illuminer tandis que s’élevait la lune
Encore invisible pourtant derrière la montagne
Sa silhouette sombre se découpait dans la lumière
Même en ombre chinoise on devinait son sentiment poignant de solitude
Les autres prêtresses la rejoignaient leur souffle dessinant de petits nuages blancs
Dans l’air vif de la nuit
Les sensations de vertige se dissipaient peu à peu.
Elle put prendre place devant l’autel de pierre où elle déposa le Graal en argent…
La prose très habitée et très imagée de Catherine Andrieu est un régal. On aime ces petites évanescences, cette poésie à la fois sombre et éclatante, ces
réminiscences nourries de vestiges, miroirs et métaphores qui transfigurent nos drames contemporains.
Laurence Biava, article publié le 13 Mai 2014.
A retrouver sur : https://bscnews.fr/201405133786/Poesie/fantasmagories-poetiques.html
Bscnews.fr/