Catleen, le cœur à nu

 

(8 octobre 2009)

 

J’apprécie l’œuvre de Catherine Andrieu, alias Catleen, qui vient d’être censurée à Charleville-Mézières, et elle sait que je la soutiens. On traque désormais la pornographie dans les œuvres d’art mais on oublie celle du monde, celle de tous les jours dans les journaux, à la télévision. C’est que maintenant il ne faudrait plus montrer un sein, un bout de fesse et surtout pas avec la froideur du corps aliéné que seule la folie parvient à décrire ; il ne faudrait pas peindre, écrire, avec la souffrance du corps et la douleur de l’âme, avec ce que cette folie permet de percevoir, c’est-à-dire un au-delà de soi-même sans cesse oscillant entre éros et thanatos, entre l’impossibilité d’être et le désir de l’autre. Toutes les œuvres d’art ont été peintes par des hommes, il ne faudrait pas oublier cela avant de s’attaquer à quelqu’un, avant de dénigrer ses peintures. Il y aurait des génies – ceux admis par la critique et le temps – quant aux autres ils seraient soumis à la vindicte de la ménagère allant faire ses courses, ne représentant pas grand chose finalement… Il y aurait des catégories oscillant entre le génie et le fou ! Alors que nous sommes chacun sur un pied d’égalité entre nos angoisses, nos questionnements, nos souffrances. L’œuvre de Catleen est traversée par cette interrogation du corps, par ce rapport que l’on entretient avec soi-même, avec son éducation. Comment parvient-on à assumer l’ordre moral que renvoient les parents, la société, comment assumer ses différences, c’est bien la question que se pose en filigrane Catherine Andrieu à travers ses peintures. Mais la véritable pornographie n’est-elle pas dans cette publicité qui exploite une image de la femme en en faisant un objet de consommation ? N’est-ce pas celle de l’argent, opulent devant la misère des hommes ? Il y a quelque chose de malsain dans les leçons de morale que nous envoient ces esprits bien pensants. Il faut dire qu’une fesse est une fesse, qu’un corps est un corps, qu’un homme est un homme ! Se souvient-on d’Artaud criant « Pour en finir avec le jugement de Dieu » ? Et chacun n’est-il pas capable d’éteindre un poste de radio ? La pornographie, n’est-ce pas cette logorrhée journalière qu’on nous sert à la télévision et à laquelle nos enfants sont habitués sans que cela nous émeuve le moindre du monde ? Oh, cela n’est pas grand chose, une exposition, mais grande est la douleur apportée par des jugements qui s’abattent dans l’anonymat. Et c’est peut-être cela la morale de l’histoire : au-delà des procès intentés par les autres, savoir rester libre, le regard tourné vers le monde, comme Catleen, comme dans ses nus qui interrogent : et vous, quand transformerez-vous votre vie en une œuvre d’art ?

 

Daniel Brochard, peintre et poète.