Critique de
Claude Vercey

 

La réception d’une vingtaine de poèmes inédits, réunis sous le titre : Parce que j’ai peint mes vitres en noir et dont j’apprends qu’ils ont aussitôt trouvé leur éditeur, dans le même temps où m’arrive le numéro de clôture des livrets Chat-de-Mars ( n° 10), où elle figure aux côtés entre autres de Milène Tournier et Nicolas Gonzales [1], m’incitent à ouvrir à Catherine Andrieu cette rubrique des Voix nouvelles, tout en ayant conscience que l’œuvre de cette poète se développe, avec une certaine discrétion il faut croire, depuis 2010 et les Poèmes de la Mémoire oraculaire, parus aux éditions du Petit Pavé. Neuf livres se sont dès lors succèdés, dont ces éditions du Petit Pavé semblent être le principal acteur ; et il apparaît, à considérer la publication en 2019 de la Correspondance avec Daniel Brochard qu’un lien privilégié s’est tissé entre la poète et son éditeur.

De sa poésie, Catherine Andrieu écrit : Bien qu‘il y ait souvent une ouverture spirituelle dans mes livres, je reste et veux rester sur un registre émotionnel, parce que je pense que c’est là la note que j’ai à jouer dans l’univers, si chacun en a une. Il est pour nous, en ce moment de découverte, trop tôt pour en juger. Lisons, le temps du commentaire viendra plus tard.

A noter que l’activité d’écriture se double d’un travail (mot qu’elle même a choisi) pictural, dont les amateurs de poésie ont eu un aperçu à réception du n° 75 de Comme en poésie, dont la couverture reproduit un autoportrait de l’auteure.

Extraits de Parce que j’ai peint mes vitres en noir :

1.Nous avons l’habitude des mouettes et de la Tramontane
Nous, enfants hâlés aux grands yeux d’été
Le jaune paille est dans la garrigue partout
Où l’on marche avec des bottes en caoutchouc
Prenant garde aux vipères, pensant au Petit Prince,
A leurs morsures délicieuses dernier paysage de mer
L’immensité partout et le ciel et les vagues
Dans le sel et le sable embruns écume galets
L’eau a envahi la Maison-Bateau qui s’efface et disparaît.
Paris, ma belle, où je vis en exil, écoute-moi écoute
Ma complainte marine, c’est mon Espagne sale
Qui coule dans mes veines. Et je pleure sur mes origines.
Paris, ma si belle, il ne me reste que la mémoire floue
De Collioure.

4. Je voudrais me blottir contre toi
Tous deux enveloppés dans ton pyjama bleu
Tu me ferais penser encore aux nuits magiques
Quand ma grand-mère dormait avec moi
Au bruit des vagues se fracassant contre les vitres
Y ajoutant ton ronflement puis le mien
Ça me rendait amoureuse.
Tu es devenu doux et je ne veux plus
Jamais te rendre jaloux, parce que de la tendresse
Il y en avait beaucoup aussi.
Quand je te regarde aujourd’hui tu me plais
Mais tu as plus de trente ans de plus que moi
Mignonne allons voir si la rose j’ai vingt-six ans
Mon vieux Corneille et je t’emmerde en attendant
Chantait Brassens dans cette langue qui n’est pas celle de ta mère
Et que tu maîtrises avec un tel génie ce qui te rend si désirable
A mes oreilles s’il est vrai que mon corps n’appartient à personne
Je te le retire, jouissances fulgurantes et mécaniques
Tu m’émeus infiniment et je t’aime à jamais
Cela sonne comme un very bad end.

 

 

 

CLAUDE VERCEY 

 

 

Retrouvez l'article sur le site de la revue Décharge ( 6 Mars 2020 ) : 

https://www.dechargelarevue.com/Voix-nouvelle-Catherine-Andrieu.html