Poèmes et entretien

Parce que j'ai peint mes vitres en noir

Préface de Jean-Pierre Lesieur

Illustration : Catherine Andrieu

Extrait de l'entretien:

5- Vous pensez que l’artiste est un fou ? Créer serait un jeu d’aller-retour entre la folie et ce que vous nommez la réalité matérielle ? Comment s’assurer du ticket retour depuis l’état de conscience qui vous permet de créer ?

Pourriez-vous ne plus écrire ?

 
Je veux aussi me garder d’une mystification de la folie, d’un discours romantique sur le fou génial, parce que c’est une erreur, la plupart des fous croupissent au fond des asiles et ont perdu la parole. Ce fut l’objet de ma correspondance, récemment publiée au Petit Pavé, avec le poète ami Daniel Brochard. En revanche, les artistes flirtent beaucoup avec la folie, je le crains, je crois même que le fou est la version « pauvre » de l’artiste, et l’artiste la version mondaine du fou. La plupart de mes amis poètes sont, comme moi, schizophrènes. Créer n’est pas un jeu, ou alors c’est un jeu où l’on risque sa vie : créer est une urgence vitale, une nécessité absolue, la tentative désespérée d’inscrire quelque chose de soi et d’une réalité fuyante dans la réalité des autres et, par là-même, à la marge d’une société qui a aussi besoin de ses artistes. Un aller-retour, oui, pour moi c’est le propre de la création, et le peintre qui jette sa peinture sur la toile le fait à la face du monde une fois la toile peinte, devenue objet, peut-être exposée, voire vendue. L’on ne peut jamais savoir si le voyage à travers la folie aboutira à une inscription dans la vie matérielle, il n’y a pas d’assurance sur la santé mentale. La parole du fou est précieuse et, si quelqu’un la recueille, elle l’empêche de sombrer. Pourrais-je ne plus écrire ? L’écriture m’accompagne depuis ma plus tendre enfance, écrire est la seule chose que je sache vraiment faire. Si cette faculté m’était retirée, je ferais du piano, ou de la peinture, je m’exprimerais quoi qu’il en soit. La Nature est intelligente, elle a ses ruses !


 

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